Quelques mots à propos de la Procession du Car d’Or à Mons
Des processions, en rapport avec sainte Waudru, sont attestées à Mons depuis les 9e et 10e siècles (mais il y en avait peut-être avant).
Depuis 1250, et le don d’un reliquaire pour le Chef (tête) de sainte Waudru par la comtesse de Hainaut Marguerite de Constantinople, nous savons que des processions se déroulent à Mons et dans sa région avec les reliques de sainte Waudru (patronne de Mons, née vers 620/625 à Cousolre et décédée un 9 avril à la fin du 7e siècle à « Mons », [peut-être en 688]).
Le reliquaire contenant la tête, de plus petite taille que celui contenant le reste du corps a toujours été plus facile à « processionner » quand les circonstances le demandaient ! Il a toujours aussi fait l’objet d’une vénération particulière de la part des Montois.
En 1313, les chanoinesses de Sainte-Waudru font déposer dans une châsse (en argent, argent doré, cuivre et pierres précieuses), réalisée par un de leurs orfèvres ou un orfèvre de la région parisienne, les reliques du corps de sainte Waudru, qu’on sait emballées dans un linceul depuis 1157 (ce linceul fin VIIe – début VIIIe est présenté au Trésor de la collégiale). A partir de ce moment (1313/1314), il est question d’un « char » pour « processionner » les reliques de sainte Waudru.
Jusqu’au milieu du 14e siècle, la procession principale de Mons (organisée par le chapitre de Sainte-Waudru – institution établie vers 1123/1149-1150) se déroule à l’Ascension (soit 10 jours avant la Pentecôte).
Le 7 octobre 1349, les chanoinesses et l’autorité communale montoise organisent une procession exceptionnelle (mais a-t-elle été aussi exceptionnelle que cela ? les comptes conservés ne font pas mention de dépenses exceptionnelles !) avec les reliques de sainte Waudru qui partent à la rencontre de celles de saint Vincent (son époux, patron de Soignies), au lieu dit « Les Bruyères de Casteau ».
Cette rencontre a pour but de demander aux saints patrons des deux cités (Mons et Soignies) de faire arrêter l’épidémie de peste qui sévit alors dans la région. La peste cessera rapidement après la cérémonie de Casteau. Les chanoinesses, l’autorité communale montoise et la population décident alors d’organiser chaque année une procession en hommage à sainte Waudru au début d’octobre.
Cependant, la météo de cette époque de l’année ne se prête guère aux processions. C’est ainsi qu’en 1352, les chanoinesses déplacent et organisent à la Trinité (dimanche qui suit la Pentecôte) la procession d’hommage à sainte Waudru et à la Trinité. Dès 1354, cinq croix de pierre jalonnent le long parcours de l’époque et indiquent ainsi où il faut donner lecture d’un miracle de sainte Waudru.
La première des croix se trouvait près de la porte du parc, la deuxième aux bruyères de Casteau (plus ou moins à l’emplacement du SHAPE), la troisième à l’étang des Apôtres entre les portes de Nimy et d’Havré, la quatrième à la Croix-Place, la cinquième à Cantimpret – c’est-à-dire à proximité du béguinage. Plus tard, en 1526, une sixième croix fut dressée au bas de la rue des Sars.
Avec le temps cette procession de la Trinité (le grand tour est attesté au moins jusque 1674, ensuite la procession restera pour ainsi dire « en ville » ou sortira « à peine » des murs de la cité) prend de plus en plus d’importance. Les confréries de la ville y participent alors à la demande des chanoinesses. Toute la ville se met de la sorte à la suite de Waudru.
Du temps des chanoinesses, c’est Waudru qui ouvre la procession. Le reliquaire du Chef et celui du corps sont sur le Car d’Or qui prend la tête de la procession, suivi directement des chanoinesses et de la confrérie de Saint-Georges (confrérie du Magistrat montois), puis des nombreuses confréries montoises.
En 1685, les chanoinesses font don d’un morceau du Chef de sainte Waudru à Herentals qui dépendait en partie du chapitre.
Lors des troubles dus à la Révolution française (1794 – 1803), les chanoinesses, obligées de quitter Mons (souvent vers la principauté de Liège, l’Allemagne ou l’Autriche), sécurisent les reliques de sainte Waudru à Liège, dans la chapelle particulière de Mme d’Argenteau d’Ochain, belle-sœur d’une chanoinesse de Mons, (le Chef) et à Rattingen en Allemagne (pour le reste du corps). Les beaux reliquaires de 1250 et 1313, quant à eux, sont emportés par les troupes françaises et fondus pour en récupérer les précieux matériaux.
En 1803, lorsque la collégiale Sainte-Waudru devient une paroisse montoise (16 octobre), quelques chanoinesses autorisent le retour à Mons des reliques de Waudru dont elles étaient dépositaires et propriétaires. Elles considéraient les reliques de sainte Waudru comme leur principal Trésor (le seul qu’elle prennent en « exil » avec elle en 1794).
La réinstallation solennelle des reliques en leur église montoise se déroule le dimanche 12 août 1804. Une procession, organisée le jour même à Mons, permet tout de suite aux Montois de découvrir la châsse provisoire en bois processionnée pour l’occasion sur le Car d’Or (sauvé à la Révolution française car utilisé pour promener en ville les déesses Raison et Liberté). L’actuel Car d’Or date de 1780/1781 et est le cinquième ou le sixième d’une série entamée en 1313/1314 (voire un peu avant) ; il devra prochainement (il aura 250 ans en 2031) être remplacé par un nouveau Car d’Or !
À partir de 1805, la procession de la Trinité reprend sa marche. Elle est alors organisée par les quatre paroisses montoises (Messines, Saint-Nicolas, Sainte-Elisabeth et Sainte-Waudru, dans l’ordre de l’époque suivi jusque dans les années 1980). Une « innovation » intervient en cette année 1805 : le Car d’Or ne commence plus la procession, il la termine.
En 1868, l’actuel reliquaire du chef de sainte Waudru (réalisé en 1867 par l’orfèvre Bourdon de Gand et inauguré en septembre de la même année) participe à sa première procession de la Trinité. Vingt ans plus tard (1888), l’actuelle châsse (réalisée en 1887 par l’orfèvre Wilmotte de Liège et inaugurée lors d’une procession « exceptionnelle » du Car d’Or en septembre 1887) participe à sa première procession de la Trinité sur le Car d’Or.
Pendant la première guerre mondiale (1915 à 1918), la procession ne sort pas. Mais les reliques sont toutefois « processionnées » en ville ou dans la collégiale.
En 1930, le chanoine Edmond Puissant, à l’occasion des fêtes du Centenaire de la Belgique, « restaure » la procession et en fait une manifestation « historico-religieuse » dont les costumes sont alors essentiellement inspirés par la Renaissance.
Pendant la seconde guerre mondiale (1940-1944), la procession ne sort pas. Moins d’un mois après la fin de la deuxième guerre mondiale le 8 mai, elle ressort le 27 mai 1945 (4 joueurs de trompette ont pris place sur le Car d’Or pour « sonner » les miracles).
Depuis 1945, la procession ne cesse d’évoluer notamment au niveau des costumes (dont l’asbl Procession du Car d’Or est désormais propriétaire). Quelques groupes sont apparus dans la procession en adéquation avec son histoire, tels que « les Beubeux », la confrérie de Saint-Symphorien, Notre-Dame du Moulineau et Notre-Dame de Bon-Vouloir, Saint-Lazare, les chanoines de Saint-Germain, Saint-Antoine de Padoue, Saint-Martin de Hyon, Saint-Rémy de Cuesmes, Saintes Aldegonde et Waudru de Frameries et Noirchain, Saint-Luc. Groupes qui tous, d’une manière ou d’une autre, étaient déjà présents ou évoqués lors des processions organisées par le Chapitre de Sainte-Waudru.
Depuis l’après deuxième guerre, la procession, devenue une ASBL, a été présidée successivement par MM. Henri Hennebert, Alex Hennebert, Lucien Michel, Jacques Hainaut, Henri Brouet et Emmanuel Godefroy.
Ces « dernières » années, quelques événements importants marquent l’histoire de la procession :
En 1987/1988, l’IRPA (Institut Royal du Patrimoine Artistique) a restauré entièrement le Car d’Or.
En 1997, les reliques de sainte Waudru ont été canoniquement reconnues. On sait désormais que les reliques de Waudru ont un âge qui correspond avec la période à laquelle Waudru vivait au VIIe.
Le 25 novembre 2005, l’UNESCO reconnaît la Procession avec le Lumeçon « Patrimoine culturel Immatériel » comme partie intégrante du DOUDOU, la Ducasse rituelle de Mons.
En 2020 et 2021, la procession ne peut sortir en raison des mesures sanitaires imposées par la crise sanitaire de la Covid 19 (ce n’est pas la première fois que la procession ne sort pas pour des raisons autres que les guerres ; par exemple en 1884, pas de procession en raison de la pluie).
Enfin en 2022, 2023 et 2024, la procession commence dès la sortie du porche nord de la collégiale. Dès 2025, la procession se remettra en route via la rue du Chapitre. Ce n’est pourtant, avec certitude, que depuis 1951 que la procession part de ce côté. Avant et du temps du Chapitre, la procession, et c’est cohérent par rapport à son histoire, sortait de la collégiale pour débuter son tour de la cité (et de la région si l’on remonte assez loin dans le temps). Mais voilà, certains n’ont pas compris le retour à l’histoire préférant les habitudes récentes.
Enfin pour rappel : le Doudou comprend les moments forts suivants : la Descente de la châsse de sainte Waudru, la Procession du Car d’Or, la Montée de la rampe Sainte-Waudru par le Car d’Or, le Lumeçon avec la Descente de la rue des Clercs et le combat « proprement dit » sur la Grand-Place.
Benoît Van Caenegem
Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru et de son Trésor